L’année 2020 verra se multiplier les célébrations concernant de Gaulle autour de trois dates: 1890, sa naissance, 1970, sa mort et, bien entendu, le 18 juin 1940.
Nous célèbrerons, le 18 juin 2020, le quatre-vingtième anniversaire de ce fameux Appel du 18 Juin rédigé par un général deux étoiles inconnu de 49 ans, sans armée, qui va incarner l’esprit de résistance. Cette voix venue de Londres, et qui répond à l’Appel à cesser le combat du 17 juin du Maréchal Pétain, des femmes et des hommes l’ont entendue et sont entrés en résistance.
Cette voix, les Français l’entendrons encore en 1958, lorsqu’il remporte, avec la Constitution de la Vème République, une autre victoire contre les vieux partis politiques et la dérive parlementariste de la IVème République.
De l’Appel du 18 juin 1940 à la constitution de 1958, de Gaulle poursuit le même but, délivrer la France. Relisons ce qu’il écrit, dans un journal égyptien, le 2 avril 1941: «Je suis un Français libre. Je crois en Dieu et en l’avenir de ma patrie. Je ne suis l’homme de personne. J’ai une mission et je n’en ai qu’une, celle de poursuivre la lutte pour la libération de mon pays. Je déclare solennellement que je ne suis attaché à aucun parti politique,ni lié à aucun politicien, quel qu’il soit, ni de la droite, ni du centre, ni de la gauche. Je n’ai qu’un sel but: Délivrer la France.»
Dépassons le contexte de la Seconde Guerre mondiale pour comprendre que ce texte résume la philosophie politique et l’action du Général de Gaulle, philosophie et action fondées sur une «doctrine des circonstances», tant la capacité d’adaptation de de Gaulle est grande.
Commémorer l’Appel du 18 juin n’est pas pour nous, gaullistes, membres du Club Nouveau Siècle, l’expression d’une nostalgie. En effet, le gaullisme n’est pas une nostalgie, c’est une philosophie politique dont les principes sont encore d’actualité.
Ces principes, Hervé Gaymard, le Président de la Fondation Charles de Gaulle, les résume en trois lignes de force:
-Ne jamais renoncer à rien
-Conjuguer la liberté économique avec le progrès social
-Ne jamais abandonner l’espérance.
A l’heure d’une mondialisation, dont on dénonce à juste titre tous les excès, le gaullisme nous offre des clefs pour l’action: la liberté économique et le progrès social, l’ouverture sur le monde et la souveraineté de la France.
Plutôt que de citer Jean-Louis Debré ou Alain Peyrefitte, qui sont des gaullistes, je vous renvoie à Régis Debray, compagnon du Che en Bolivie, communiste et révolutionnaire, qui, dans son livre «A Demain de Gaulle», paru en en 1996, rend hommage à Charles De Gaulle pour en faire, non pas la dernière figure du XXème siècle, mais «le premier contemporain du XXIème siècle». Pour Régis Debray, de Gaulle est en effet une figure d’aujourd’hui pour deux raisons : il incarne «l’intelligence de ce qui résiste» et il est, non pas un «vieux sorcier nationaliste», mais «le sourcier des surprises de demain».
Le «neuf» du monde nouveau est en train de vieillir et de s’effondrer, le «vieux» de l’ancien monde est en train renaître et de revenir à la mode, comme les mots employés par Pasqua et Séguin, lorsqu’ils avaient appelé à voter «Non» à Maastricht.
De Gaulle, à chaque époque, comme le dit très justement Régis Debray, c’est «la préscience du long terme», ce quelque chose qui naît très tôt, dès les articles qu’il publie de 1931 à 1936, dans le remarquable «Fil de l’Epée» publié en 1932, lors de la bataille de Montcornet, le 17 mai 1940. Montcornet marque la naissance, sur le terrain de la guerre, du gaullisme politique, c’est-à-dire la certitude que l’on peut changer le cours de l’Histoire.
Malraux avait l’habitude de dire, face aux adversaires de de Gaulle: «Nous n’opposerons pas une théorie gaulliste, mais l’Appel du 18 juin!».
Au-delà de l’Appel à la résistance, nous devons comprendre le sens métaphorique du 18 juin, surtout lorsque de Gaulle dit, au micro de la BBC: «Foudroyé aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure».
La préscience gaulliste du long terme se nourrit de la compréhension du présent, «foudroyé aujourd’hui par…», et la vision prospective, «nous pourrons vaincre dans l’avenir par…». Cette phrase s’applique à tous les domaines, dans le contexte différent de la mondialisation et du surgissement de la pandémie du Covid 19.
L’Appel du 18 juin ne se construit pas uniquement sur l’idée de faire de la France un pays libéré, mais sur la volonté farouche de faire de la France un pays vainqueur, comme le dit très justement Hervé Gaymard.
Il nous appartient de faire fructifier l’héritage gaullien qui contient une double matrice, celle de la France moderne et celle de l’unité nationale. De Gaulle n’est pas le dernier des géants du XXème siècle, il est aussi, par ses intuitions fécondes, l’homme du présent et du futur.
Bernard Reygrobellet,
Président du Club Nouveau Siècle
Paris le 18 juin 2020